samedi 28 novembre 2009

L'homme est-il capable de gérer son existence virtuelle ?

Cette question est rarement posée : les mondes virtuels nous viennent à l'esprit soit comme une évidence, soit comme une hérésie, chacun y va de son opinion, fondée ou non, mais l'homme est-il préparé à se comporter correctement quand il se tient derrière son écran ?

Attention : propos parfois corrosifs et humour noir sont de vigueur dans ce billet. Mais comme toute belle histoire, je vous rassure : elle se termine par un "happy end".


Préambule
Le but de ce billet n'est pas de donner des leçons de morale ou d'imposer une seule bonne façon de gérer son existence virtuelle. Mon but à travers ces quelques lignes est surtout d'ouvrir le débat, de proposer quelques exemples issus de ma propre expérience et, pourquoi pas, d'échanger avec d'autres usagers des communautés virtuelles pour enrichir cet état des lieux.
Je me permettrai parfois d'apporter quelques recommandations ou suggestions, à adapter à votre propre cas ... ou pas ! :)


Mon expérience
Je fais partie du "clan" des gens qui trouvent le principe de l'existence virtuelle parfaitement naturelle. J'ai débuté en 1997 à travers IRC (Internet Relay Chat) en tant que simple "membre" de salons de discussion. J'ai rapidement animé mes propres salons, puis ai découvert d'autres moyens de communiquer en ligne, comme ICQ, puis plus tard MSN, Yahoo Messenger et autres.
Ma "route virtuelle" a pris ensuite une tournure importante avec la participation à de nombreux forums internet, puis à l'administration de communautés dont certaines ont dépassé les 3000 membres.
Enfin, mon dernier terrain d'exploration n'est autre que le très mondial et controversé Second Life. Ici aussi, le même type de parcours : d'abord membre, puis administrateur de communautés avec une dimension internationale cette fois-ci.


Le plan
Voici le plan que je suivrai tout au long de cet article pour étayer mon opinion :
  • Profils type de l'homme (ou de la femme) virtuel(le) et évolution de l'espèce
  • Les motivations
  • Le mode d'emploi
  • Le comportement
  • Les bonnes surprises
  • Les mauvaises surprises
  • Le point de vue de l'utilisateur : ne garder que le meilleur
  • Le point de vue de l'administrateur : le choix du "système politique" de la communauté
  • Informations additionnelles : la vie virtuelle et le travail
  • Informations additionnelles : les sentiments et le facteur émotionnel
  • Informations additionnelles : L'anonymat
  • Informations additionnelles : Le facteur culturel
  • Conclusions

Profils type de l'homme (ou de la femme) virtuel(le) et évolution de l'espèce
Nous allons commencer par l'évolution de l'espèce. C'est assez facile : quand j'ai fait mon apprentissage (ce mot a de l'importance) du "bon" usage des communautés virtuelles sur IRC en 1997, le profil de l'utilisateur virtuel était assez simple : des informaticiens, des étudiants en sciences et/ou informatique et ... "dérivés". Quelques exceptions évidemment, mais le gros des troupes ressemblait à cela.

Et concrètement ? Il est important de rappeler le contexte de l'époque : connexion en 56K pour ceux qui avaient un abonnement à la maison (entre 100 et 500 fois moins rapide qu'une connexion ADSL dégroupée actuelle) les autres se connectaient à l'université, où le débit était bien supérieur. L'abonnement imposait une limite de temps : on payait pour 10h ou 20h de connexion et après ... plus rien ! Il fallait attendre le mois suivant.
Quand on faisait une recherche sur Yahoo, on trouvait directement toutes sortes de sites qui proposaient en téléchargement direct de la musique, des applications ... évidemment piratées. Mais à cette époque, personne n'en parlait à la télé ou à la radio.
On se rappellera également des premiers pas de Napster, où il fallait parfois une nuit entière pour télécharger quelques morceaux de musique.

Bref, il fallait bien du courage et de la motivation pour "être présent sur la toile". Du coup, le public était assez ... élitiste, n'ayons pas peur des mots et avait une certaine éducation d'internet. Évidemment, par exemple, en ce qui concerne IRC, les salons étaient à peu près tous les jours l'objet d'attaques de "hackers en herbe", ce qui pouvait rendre l'utilisation du service un peu lassante.

Le bon vieux temps ? Certainement pas. A part l'échange de texte, les interactions étaient plutôt limitées, le lag (ralentissements de connexion) pouvait être parfois terrible, les serveurs se désyncronisaient régulièrement et surtout ... on sentait déjà que ... les modes de fonctionnement ne seraient "pas tout à fait les mêmes" qu'autour d'une bonne bière dans son pub préféré. (l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération).

Puis, quelques années plus tard, est arrivé en France le Saint Graal : l'ADSL. En voilà une révolution. L'ADSL, c'est génial : du haut débit comme ils appelaient ça à l'époque. On pouvait enfin télécharger de la musique en quelques minutes au lieu de quelques heures (on ne savait pas encore tout à fait que c'était super illégal et qu'un jour on pourrait finir en prison à cause de ça).
Bref, l'ADSL avait tout pour plaire. Mais ce que nous n'avions pas prévu, nous pauvres utilisateurs "pionniers" d'internet, c'est qu'avec l'ADSL, les fournisseurs d'accès avaient un plan secret : démocratiser internet. Idée brillante sur le papier. chacun allait pouvoir être membre ou acteur de la "révolution numérique". Mais voilà. Laisser internet entre les mains de n'importe qui, c'est un peu comme donner une arme à quelqu'un sans lui dire "ne tue pas avec, c'est mal".
Internet arrive donc dans les foyers, sans aucun mode d'emploi, et les gens se retrouvent dans un univers qu'on leur vend libre en leur disant bien que tout est possible ! Y compris de révéler au monde entier toute l'ampleur de leur ... "côté obscur".


Les motivations
Mais quel est donc l'intérêt de mener une existence virtuelle ? Certains l'ont fait pour être à la pointe du progrès technologique, d'autres par curiosité, pour s'amuser, se faire des amis, se défouler après le travail, trouver le grand amour, découvrir de nouvelles cultures, rester en contact avec ses amis réels plus facilement, retrouver des vieilles connaissances du collège ou de l'école primaire, travailler à distance ...
Les motivations sont multiples et beaucoup sont très nobles. Je reste persuadé que dans une majorité des cas, la motivation d'avoir une vie virtuelle n'implique aucune volonté consciente et explicite de nuire à autrui. Mais seulement voilà : il manque le mode d'emploi.


Le mode d'emploi
Chaque personne peut, grâce à internet, créer sa propre communauté. Cette communauté, quel que soit le support choisi (Facebook, IRC, Second Life, un forum) a un certain nombre de caractéristiques communes. L'une d'entre elles est le règlement. Chaque utilisateur qui souhaite participer à la vie de la communauté doit lire et accepter le règlement.

Un petit point sur le principe du règlement, car cela me semble être du plus grand intérêt : on notera qu'une majorité écrasante de communautés fonctionne avec un règlement à respecter. Pourquoi ? Internet ne serait-il pas aussi libre qu'il nous a été vendu ? Pourquoi s'embarrasser d'un règlement long et fastidieux à rédiger comme à lire ?
Parce que c'est tout simplement indispensable, du moins dans la plupart des cas. Ce qui est étonnant, c'est que la plupart des règlements se ressemblent et sont tous plus ou moins des évocations de la fameuse nétiquette.
Étrange ?! Pourquoi rappeler régulièrement ce que tout utilisateur d'internet a dû lire au moins une fois ?


Le comportement
Parce que la plupart des utilisateurs de communautés virtuelles a un ÉNORME problème de comportement.
Comment cela se matérialise-t-il ? Pour beaucoup, internet reste un grand espace de liberté, dont les utilisateurs sont anonymes, pour s'amuser après une longue journée de travail pleine de contraintes inévitables, elles.
Il faut comprendre : pour beaucoup, internet est une sorte de défouloir ou on peut se permettre de faire tout et n'importe quoi, vu que de toute façon, il n'y aura aucune conséquence.

Soyons clairs, les règlements ne sont (presque) jamais lus. Le mode d'emploi n'est pas inné et il n'est donc pas acquis non plus. Ceci implique des débordements systématiques à une fréquence plus ou moins élevée selon le public. Quand je regarde un peu en arrière, je me rends compte que plus la communauté est généraliste, plus il y a de problèmes.

Et le mode même de fonctionnement des communautés virtuelles basées notamment sur le chat (communication par texte) aggrave sensiblement les problème potentiels : Il est en effet, très difficile de donner le ton du message, ce qui aboutit à des quiproquos et souvent ... selon le talent du ou des modérateurs, à une sorte de "drame" (de l'anglais drama) qui peut durer plus ou moins longtemps et mettre plus ou moins en danger l'ensemble de la communauté.
Arriverait-on ici à un paradoxe ? de nouveaux moyens de communiquer qui aboutissent finalement à des incompréhensions et ... des problèmes de communication ?
Non, il convient juste de ne pas confondre qualitatif et quantitatif : internet permet de connaitre plus de monde, mais les relations nouées seront-elles d'aussi bonne qualité et les échanges pourront-ils se faire de manière claire ?

Bref, internet, loin de l'espace de liberté promis, est un mode de communication à part entière, avec ses propres règles, qu'il convient de connaitre et de respecter pour pouvoir éviter les mauvaises surprises et saisir les bonnes.


Les bonnes surprises
Les communautés virtuelles peuvent, une fois le mode d'emploi assimilé, apporter d'excellentes surprises. Il est possible de rencontrer des gens fort intéressants avec beaucoup plus de facilité que dans la vraie vie. On peut nouer amitié, tomber amoureux, trouver de nouveaux partenaires commerciaux. On peut discuter autour de ses centres d'intérêt, se former, apprendre, s'instruire.

Dans mon cas, j'ai eu quelques excellentes surprises. Par exemple, 3 des 4 témoins de mon mariage ont été rencontrés grâce à internet. Je me rappelle également de ce voyage que j'ai pu faire en Pologne, sur un coup de tête, pour répondre à une invitation faite par un ami virtuel qui est devenu ... un ami bien réel. Je garde d'excellents souvenirs de cette rencontre et de la générosité, la gentillesse et l'hospitalité dont mes hôtes ont fait preuve durant mon séjour.


Les mauvaises surprises
Évidemment, j'ai aussi eu de mauvaises surprises. j'ai rencontré des gens très sympathiques en virtuel qui étaient finalement peu intéressants en vrai. J'ai également rencontré une quantité assez impressionnante de mythomanes en tous genres. Des gens qui s'inventent une vie qui n'est pas la leur.
Je passe évidemment sur ceux qui font les fiers derrière l'écran mais qui baissent immédiatement d'un ton quand ils sont face à mon imposante carrure.

Strictement sur internet, j'ai pu constater un certain nombre de comportements grossiers, blessants, méchants, agressifs, violents.
Bref, y-a-t-il un moyen de ne garder que le meilleur et d'ignorer/jeter/oublier/négliger le pire ?


Le point de vue de l'utilisateur : ne garder que le meilleur
Oui, il est tout à fait possible de rester à l'écart de la plupart des problèmes potentiels, quand on est utilisateur de communautés virtuelles.
Si un lieu ne plait pas, il n'y a aucune obligation d'y rester. Quels que soient les désagréments constatés (mauvaise modération, public peu agréable ...) Internet est assez vaste pour proposer, pour chaque thème, plusieurs communautés "concurrentes". Il y a donc l'embarras du choix.
Et si toujours rien ne correspond à vos attentes, libre à vous de tenter de créer votre propre communauté, selon ce qui vous inspire, et de la développer.
C'est ce que j'ai fait pour un forum d'une grande marque automobile : créer une alternative qui n'existait pas et qui est devenue aujourd'hui la plus importante communauté francophone de la marque, avec plus de 3000 membres.

Quant aux problèmes de communication possibles, je suggère de demander clarification avant de tirer des conclusions hâtives : souvent ce n'est qu'un malentendu.

Enfin, quoi que l'on fasse, il y aura toujours des gens pour "chercher des histoires". Je ne peux que conseiller de rester à l'écart de ces personnes et de ne pas s'engager dans un quelconque débat. Ce ne sera qu'une immense perte de temps.


Le point de vue de l'administrateur : le choix du "système politique" de la communauté
En voilà un point intéressant. Toute personne (ou presque) qui souhaite créer sa propre communauté fera face, à un moment ou un autre, à des problèmes de comportement de ses utilisateurs. Le choix du modèle politique est donc essentiel : démocratie, dictature, monarchie, anarchie ?! Il est possible de s'inspirer de tous ces modèles et de les suivre plus ou moins librement.

Cependant, il y a des modèles qui fonctionnent mieux que d'autres. Entre gens courtois, responsables, respectueux, qui se connaissent "en vrai", sous forme de communauté "privée" ou fermée et savent se comporter convenablement dans une communauté virtuelle, l'anarchie ou la démocratie fonctionneront très bien.

Dans la plupart des autres cas et au risque de choquer : je suggère monarchie ou dictature. L'absence de règles du "système anarchique" sera une faille exploitée par le premier venu qui voudra passer ses nerfs sur la communauté, sans oublier la notion de "responsabilité" qui implique que les différents administrateurs et modérateurs peuvent être tenus pour responsables de ce qui se dit dans leur communauté. Imaginez un seul instant qu'un membre vienne poster des photos pédophiles sur votre forum tout beau tout neuf : et voilà le début d'immense problèmes.
Quant à la démocratie, il s'agit d'un mode de fonctionnement facile à verrouiller pour une personne irrespectueuse et mal intentionnée. Le forum se retrouve bloqué, aucune décision ne peut être prise et cela finit ... en anarchie !

La monarchie ou la dictature (sur internet, cela ne fait pas de grosse différence, je mets évidemment de côté toutes les connotations négatives liées à ces deux systèmes tout au long de l'histoire de l'homme, les conséquences ici, n'étant pas du tout les mêmes) présentent de nombreux avantages : notamment celui de pouvoir modérer en paix.
Le principe est simple : vous établissez des règles, vous jugez les situations en votre "âme et conscience" et vous agissez de la façon qui vous semble la meilleure. Si vous le souhaitez, vous pouvez demander l'avis des modérateurs, ou des membres, mais vous n'en avez pas l'obligation.

De mon expérience, c'est la mode de fonctionnement qui apporte les meilleurs résultats sur le long terme : les crises sont peu fréquentes et réglées rapidement, les membres sont responsabilisés (si ils ne sont pas contents, qu'ils aillent voir ailleurs - d'où une notion de conséquence qui, naturellement, va limiter les ardeurs des plus teigneux) et l'accent est mis de manière générale sur les obligations de chacun et non les droits.

Évidemment, la réussite de ce mode de fonctionnement sera très largement conditionnée par la capacité de l'administrateur à se faire respecter. C'est un autre point que j'apprécie particulièrement : si l'équipe modératrice est incompétente, la communauté finit par se vider puis mourir. Chacun est donc mis face à ses responsabilités et doit supporter les conséquences de ses actes et de son comportement.
C'est une excellente façon de construire un projet et des relations qui tiendront sur le long terme.
Et justement, il existe plusieurs cas particuliers intéressants à mettre en avant, au sujet des relations virtuelles possibles.


Informations additionnelles : la vie virtuelle et le travail
Est-il possible de trouver un partenaire professionnel dans une communauté virtuelle ?
Oui, évidemment, mais pas dans tous les cas. En effet, certaines communautés ne se prêtent pas vraiment à cela voire, pour certaines, parler affaire est tout simplement interdit (d'où l'importance de lire le règlement avant de s'exprimer ...)

De nombreux réseaux sociaux orientés business existent afin de créer/faciliter les échanges entre professionnels. Je pense notamment à facebook, Viadéo, LinkedIn et autres.
Cela représente-t-il un réel intérêt ou est-ce une perte de temps ? Là encore, tout dépend. De manière générale, les réseaux sociaux sur internet fonctionnent comme les réseaux relationnels en "vrai" : si on passe peu de temps dessus, autant ne rien faire, les résultats seront maigres. Pour obtenir des retours probants, il faut s'investir.
A noter, une dérive assez perverse de réseaux sociaux de type facebook : certains professionnels vendent leur réseau relationnel comme "compétence" et en creusant un peu, on s'aperçoit que ce fameux réseau relationnel se limite à une "liste d'amis" dont les membres n'ont jamais été rencontrés, ou aucun lien particulier n'a été créé.
Certaines personnes peuvent ainsi paraitre "influents" alors que finalement ... ce n'est que du vent. A chacun de se faire sa propre opinion, sans oublier que connaitre le nom d'une personne ne signifie pas nécessairement que cette personne est un levier potentiel.

Enfin, un aspect des plus intéressants des communautés virtuelles, très à la mode au moment où j'écris ces mots : le télétravail. J'entends beaucoup de choses très positives sur le télétravail, que cela permet de réduire les coûts, d'être plus souple, de gagner en performance.
je suis totalement d'accord avec cette analyse à la condition impérative que les règles du jeu soient clairement établies au départ et que le manager mette en place une certaine "modération", ce qui signifie ici : un vrai suivi. Ainsi, le système composé par le manager et ses troupes en télé travail peut être représenté sous forme de communauté virtuelle, avec ses membres et son administrateur. On relit un peu plus haut et on applique : choix de la plateforme la mieux adaptée, choix du système politique le plus efficace etc.


Informations additionnelles : les sentiments et le facteur émotionnel
Parmi les motivations principales de se créer une vie virtuelle, il y a celle de se faire des amis, voire ... de trouver le grand amour.
Soyons clairs dès le départ : si aucun sujet de fond n'est abordé, dans le meilleur des cas, on se retrouve avec des copains de foire (ce qui n'est pas forcément négatif, mais il est important de bien en avoir conscience), dans le pire des cas, on sert de bouche trou quand les autres n'ont personne sous la main.
Dans le même ordre d'idée : ne pas attendre systématiquement une relation longue et durable. Les "amis" virtuels se consomment comme des mouchoirs, on utilise et puis on jette. Cela peut sembler cruel, ça l'est peut-être, mais est-ce bien différent de la "vraie" vie ?
j'aime trouver un côté positif à tout et là, il peut être assez surprenant : je prends cela comme un exercice mental. En effet, rien dans la vie (y compris la vie elle-même) n'est fait pour durer. Alors, autant profiter de l'instant présent, sachant que demain, il pourrait bien ne plus exister.

Les relations ainsi créées sont-elles toutes forcément superficielles ? Bien sûr que non. Mais là encore : un avantage immense. En effet, si vous sentez un bon feeling avec une personne que vous avez rencontrée dans une communauté virtuelle, rien ne vous interdit/empêche de passer à la vitesse supérieure : la rencontre en VRAI.
Nous soulevons ici un point très intéressant : la vie virtuelle peut apporter énormément et tout cela peut être consolidé/validé/améliorer par ... une bonne vieille rencontre en chair et en os.
En voilà une excellente façon d'obtenir le beurre et l'argent du beurre. On se sert d'internet pour faire connaissance, et en transposant dans la vraie vie, on consolide les rapports.
Ceci est évidemment valable pour le grand amour, pour les partenaires commerciaux : internet est un excellent moyen de mise en relation, mais la relation en elle-même aura plus de chance d'être réellement satisfaisante si elle est poursuivie "en vrai".


Informations additionnelles : L'anonymat
Et c'est ici que nous trouvons un paradoxe important. Les relations virtuelles sont plus belles quand elles se teintent de "réalité", mais beaucoup de gens restent sensibles au fait de préserver leur anonymat.
Est-ce finalement un paradoxe ? je ne pense pas. Je pense au contraire, que cela peut être expliqué très simplement en partant du postulat suivant : l'homme n'est pas prêt globalement, à gérer sa vie virtuelle. Il manque d'information, de mode d'emploi. Il manque de rigueur dans sa façon d'appréhender cette nouvelle opportunité. Du coup, il prend peur et se cache, face à l'inconnu et à l'ignorance.

Il me semble important de mettre à plat quelques points importants à propos de l'anonymat.
Tout d'abord, l'anonymat n'existe pas. Ou presque pas. Evidemment, certaines personnes arrivent à circuler sur internet de manière anonyme, mais c'est au prix d'une rigueur et de connaissances techniques qui dépassent de très loin ce que l'utilisateur lambda d'internet est en mesure de faire.
Bref, nous partons du principe que dans la majorité écrasante des cas, l'anonymat n'existe pas.
Chaque utilisateur est identifié avec un pseudo (vous seriez surpris de voir tout ce que l'on peut apprendre sur une personne simplement en recoupant des recherches sur un pseudo), une adresse IP (la justice peut utiliser cette information facilement pour remonter aux coordonnées complètes de l'utilisateur) ou encore une adresse email.
le cas de l'email donne lieu a de nombreuses anecdotes toutes plus croustillantes les unes que les autres. Je repense notamment à cet utilisateur de forum qui se montrait très irrespectueux envers un membre et se vantait que de toute façon, il était anonyme et personne ne pourrait le retrouver. Hors, cette même personne a eu la bonne idée de s'enregistrer sur le forum avec un email du type prénom.nom@mail.com. En réunissant les informations qu'il avait laissées filtrer sur sa vie et l'utilisation de son nom complet, il était possible de le localiser grâce aux Pages Blanches et d'obtenir ainsi son adresse complète et son numéro de téléphone. Il a évidemment beaucoup moins rigolé quand je lui ai demandé comme était la météo dans sa rue, et dans sa ville.

Prétendre être anonyme sur internet est donc ... une vaste blague. Même dans le cas ou il y aurait de bonnes raisons de vouloir rester anonyme (adultère, discrétion sur le niveau de vie par exemple ...), ce réflexe a peu de sens.
Alors, que se passe-t-il quand on essaie l'opération inverse ? c'est à dire se présenter, officiellement, avec son vrai nom, et une vraie photo de soi. Analysons les risques : se faire cambrioler ? se faire harceler par un fou ou une folle ? devenir l'objet de toutes les attentions d'un serial killer ?
Ce sont des risques en effet. Mais de la même manière que l'anonymat est une farce pour vous, il l'est aussi pour les autres. Donc si la justice fait bien son travail, cela ne devrait pas être plus compliqué de retrouver la personne que si elle vous avait croisé au supermarché.

Y-a-t-il des avantages à se présenter ?
Et bien, j'ai essayé pour vous. Et très honnêtement, oui, et ils sont nombreux. Premièrement, les gens ont tendance à mieux se comporter quand ils ont en face d'eux une personne identifiable. Plus de respect, plus de retenue et de politesse. bref, de gros avantages.
Ensuite, cela laisse la porte ouverte à des discussions riches et intéressantes, qui vont plus loin et permettent un échange plus qualitatif, quelles que soient vos motivations : amis, amour, travail, passion...
Les gens ont tendance à être plus "eux-mêmes" et à faire plus confiance à une personne qui ne se cache pas.


Informations additionnelles : Le facteur culturel
L'ensemble des commentaires formulés ci-dessus s'appliquent-ils à toutes les cultures ou est-ce encore un tour de notre bonne vieille exception culturelle française ?
J'ai eu la chance de pouvoir administrer ou participer à des communautés qui réunissaient des personnes de France, d'Europe de l'ouest, de l'est, d'Amérique du nord.
Je n'ai malheureusement pas eu assez de contacts avec des personnes d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du sud pour vous donner un retour d'expérience probant concernant ces cultures.

Ce que j'ai pu retenir est que grosso modo, les peurs, les comportements sont identiques. Ou plutôt, la différence de comportement entre vie virtuelle et vie réelle est identique.

Donc à chacun de se rapprocher des "peuples" qui l'inspirent le plus, en fonction de ses affinités.
Ou plutôt, en fonction des travers qu'il trouve le plus acceptables.
Dans mon cas, je dois avouer que je prends énormément de plaisir à communiquer avec les gens d'Amérique du nord en général. J'aime leur côté enthousiaste, optimiste, travailleur, et je supporte finalement plutôt bien leurs défauts.
Que chacun fasse selon ses envies !


Conclusions
Après plusieurs heures de rédaction, nous arrivons enfin à la conclusion de ce (très) long billet.

Il apparait ainsi important de bien comprendre que la communication virtuelle peut tout à fait se montrer enrichissante sur de nombreux plans, à condition d'avoir pris le temps nécessaire à l'apprentissage de ses règles. Elles sont différentes des règles qui régissent les rapports "en vrai" entre humains que nous avons mis des années à comprendre, apprendre, nous approprier.
Mais les valeurs qui se cachent derrière et qui feront d'une relation virtuelle une réussite sont exactement les mêmes : respect de l'autre, implication personnelle, sang froid en situation de crise.
Cela revient un peu à apprendre à jouer d'un nouvel instrument de musique : la technique de manipulation de l'instrument est différente, mais le solfège est le même.

Enfin, de mon point de vue, et en bilan des 13 années passées jusqu'ici à explorer les relations virtuelles sous toutes leurs formes, j'ai eu la chance et le plaisir de faire de très belles rencontres, de me former, de voyager, de me cultiver.
Les quelques inconvénients bien en tête, je repars très volontiers pour 13 autres années de découverte, avec la même curiosité, la même soif d'apprendre, de connaitre, cet autre qui, loin de vouloir me menacer, ne demande suvent qu'à échanger, découvrir, donner, partager... bref, ne demande qu'à communiquer.

Bonne bière virtuelle à tous !

3 commentaires:

  1. J'aime beaucoup votre analyse.
    Etant moi-même utilisateur d'internet depuis 15 ans, je me retrouve complètement dans vos écrits.

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  2. Humour très décapant en effet !
    Mais ca change des discours trop consensuels.

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  3. Merci pour ces deux commentaires.
    C'est sûr que la consensualité, de manière générale ... ce n'est pas trop ma tasse de thé :D

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